Interview : Alain Gouaméné, DTN par intérim de la FIF, Développeur des entraîneurs de Côte d’Ivoire, Expert FIFA et Instructeur CAF en coaching developpment
30 décembre 2024Je demande aux entraîneurs africains de se former
L’Ancien gardien de but des Éléphants de Côte d’Ivoire (ndlr: 64 sélections de 1986 à 2000), Alain Gouaméné, du haut de son 188 cm a évolué à l’Africa Sports National de Côte d’Ivoire (1986-1989), à l’Olympique lyonnais-France
(1989-1990), au Raja Club Athletic de Casablanca du Maroc entre 1990 et 1992. Alain a été champion de Côte d’Ivoire avec l’ASEC d’Abidjan en 1993 et en 1994 après sa signature chez les » Jaune et noir » en 1992. Il gardera les perches de l’AS Trouville-Deauville (1994-95) et du FC Toulouse (1995-2000) en France où il a déposera définitivement ses 17.892 paires de gants dans les valises pour poursuivre les études. L’immense gardien de but des Éléphants de Côte d’Ivoire, la légende Alain Gouaméné (58 ans), héro de la CAN 92 au Sénégal, Champion d’Afrique des Nations de Football 1992 et 2023 puis ancien entraîneur de l’ASEC Mimosas a accordé à Tatou-Sports, une interview exclusive. Lisez-le !
Tatou-Sports.net : bonjour la légende Alino
Alain Gouaméné : bonjour Diarrass, comment ça va ?(sourires aux lèvres )
Tatou-Sports.net : tout va bien, mon doyen Alino. Pourriez-vous dire à nos lecteurs ce que vous avez entrepris après avoir raccroché les crampons ?
Alain Gouaméné : C’est dans l’équipe de Toulouse FC en France j’ai arrêté ma carrière. J’ai continué les études pour décrocher le BESS 2è Degré en France en 2002. Pour la coupe du monde FIFA 2006, je suis venu en équipe nationale de Côte d’Ivoire au poste d’entraîneur des gardiens de but des Éléphants. Henry Michel en était le sélectionneur. C’était la génération dorée de Didier Drogba. Après, je suis rentré à la DTN de la FIF où je suis le DTN par intérim. Je continue toujours les études pour la conception des séances d’entraînement des gardiens de but. Aujourd’hui, je suis Développeur d’entrainement, Expert FIFA en coaching developpment, Instructeur CAF en développement des gardiens de but. Au niveau de la FIFA, je suis formateur des formateurs. En Côte d’Ivoire, je suis Entraîneur Adjoint de Éléphants.
Tatou-Sports.net : revenons 32 ans en arrière. Vous avez brillamment remporté la CAN 92 au Sénégal. Quel sentiment anime un champion ?
Alain Gouaméné : je suis effectivement champion d’Afrique 92. En 1992, c’était une première pour la Côte d’Ivoire mais aussi pour chacun des joueurs. Gagner une CAN, c’est un immense sentiment de bonheur et de fierté. Les populations et le Président Félix Houphouët-Boigny avec tous les membres de son gouvernement ont réservé aux Éléphants un accueil de rêve. C’était un moment plein d’émotions, de joie et de fierté.
Tatou-Sports.net : lors de la CAN Côte d’Ivoire 2023, vous étiez le préparateur des gardiens de but des Éléphants. Vous êtes champion à nouveau. Qu’en dites-vous ?
Alain Gouaméné : Non, lors de la CAN 2023 disputée en 2024, je n’étais pas le préparateur des gardiens de but de l’équipe nationale. Ça été l’intitulé ou le titre donné pour être dans le staff technique. Il y a déjà un entraîneur de gardiens de but. Moi je suis là pour développer les entraîneurs. Ce sont de jeunes entraîneurs avec qui je suis, qui écoutent mes conseils. Je suis Développeur des entraîneurs donc formateur des entraîneurs, cela a été un bon moment de partager avec eux. Mon rôle, c’est comment on peut préparer les entraînements et surtout comment préparer les matches dans les bonnes conditions pour les joueurs et pour eux-mêmes les entraîneurs. Oui, je suis aussi champion d’Afrique 2023 en étant un des membres du staff technique. Je suis heureux de travailler avec de jeunes entraîneurs qui écoutent beaucoup. Un joueur ne peut pas être entraîneur de gardien de but. Les portiers de l’équipe de côte d’Ivoire ont été entraînés par Kipré, le préparateur des gardiens de but mais, je les préparais mentalement puisque c’est mon ancien boulot. J’ai été toujours là pour tous les joueurs et bien évidemment pour les gardiens de but. J’ai été un motivateur externe. Nous avons de bons rapports tant avec les membres de la FIF qu’avec ceux du staff technique. J’interviens individuellement ou nommément sur les gardiens de but et sur l’effectif surtout avant les matches.
Tatou-Sports.net : les Awards CAF 2024 ont distingué le nigerian Lookman meilleur joueurs de l’année et le gardien de but sud-africain Williams meilleur gardien. Qu’en pensez-vous?
Alain Gouaméné : Je ne discute jamais le choix des uns et des autres. Après, si on met chaque individu pour donner son choix, il ferait peut-être le contraire. C’est le choix des gens qui connaissent le football aussi donc ils savent quelques choses dans le football. Lookman a fait une année exceptionnelle. Concernant Williams, le gardien de but de l’Afrique du Sud, il a fait une très bonne CAN en Côte d’Ivoire et dans son club au niveau africain, il a réalisé une bonne campagne. Est-il ou pas supérieur au portier ivoirien Yaya Fofana ? Le problème n’est pas là. Vous savez, chaque fois que une équipe nationale gagne une grande compétition, c’est toujours le fait que cette équipe a un bon gardien de but et Yaya Fofana a été décisif à des moments dans notre parcours. Par exemple contre le Mali, il a été vraiment très décisif. Il a
gagné la CAN 2023. Il méritait quelque chose. Les comparer, non, ça n’a rien à voir parce que je pense que les deux gardiens de but Williams et Fofana n’ont rien en commun mais juste le poste en commun. Cette comparaison avec Yaya, non, il est trop jeune. Lui, c’est l’avenir. Dans trois à quatre ans, on verra Yaya Fofana meilleur gardien de but d’Afrique mais pour le moment, il est à l’apprentissage. Il a beaucoup à apprendre. Et c’est à nous de lui apporter le calme afin qu’il devienne un des grands gardiens de but de côte d’Ivoire et d’Afrique. C’est le plus important pour nous.
Tatou-Sports.net : que dites-vous de l’international footballeur malien Yves Bissouma dit Doussou Souman Yves, le capitaine des Aigles ?
Alain Gouaméné : L’international malien Yves Bissouma, pour moi, c’est mon regret en tant qu’ivoirien. Selon moi, Yves est un petit surdoué. Il me fait penser à Kalou Bonaventure. Techniquement, Bissouma a quelque chose que les autres n’ont pas mais bon, il joue pour le Mali. Moi en tant que sélectionneur, c’est mon regret de voir que mon petit frère pouvait jouer pour notre pays la Côte d’Ivoire. C’est un grand footballeur. Et c’est pas fini car il n’a pas fini de montrer ce qu’il a comme qualité. Le Mali a la chance de l’avoir. Il mérite le capitanat puisqu’il est malien et en plus il joue en PL anglaise qui est un haut niveau. C’est un joueur qui aime le Mali. Il est important de l’utiliser au poste où il se sent bien où il brille en faisant gagner les Aigles du Mali. Si Yves Bissouma continue de travailler, il obtiendra un Ballon d’Or africain.
Tatou-Sports.net : Les éliminatoires de la CAN 2025 sont terminées en 2024 mais la phase finale devra débuter en décembre 2025. Qu’en dites-vous ? Croyez-vous que les Eléphants reéditeront l’exploit à la CAN au Maroc en 2025 ?
Alain Gouaméné : entre la fin des qualifications et le début de la CAN, il y a au moins douze mois. Je pense que cette période permettra à tous les pays qualifiés de se préparer convenablement sur les fenêtres FIFA et les qualifications à la prochaine coupe du monde FIFA. La phase finale de la CAN en décembre 2025, la Côte d’Ivoire sera prête. Le Mali est un grand pays de football mais qui n’arrive pas encore à gagner une CAN. Si le Mali persévère dans le travail scientifique et académique, l’équipe l’emportera dans un avenir proche. Ça arrive, la Côte d’Ivoire a aussi mis beaucoup de temps avant de l’emporter en 1992, en 2015 et en 2023. La Côte d’Ivoire est un pays qui s’organise toujours pour de grands moments. Je ne peux pas vous dire qu’on ne sera pas prêt pour la CAN en décembre 2025. Forcément on sera prêt parce qu’on a de bons jeunes joueurs avec quelques anciens comme Franck Kessié qui est le patron technique de l’équipe nationale. Je pense qu’on peut arriver à faire quelque chose de formidable. Mais bon, chaque chose a son temps. Les phases finales de la CAN ne se ressemblent pas. On verra bien comment ça va commencer. Je pense que tout le monde va nous attendre. À nous d’être prêts. Ce n’est pas seulement techniquement ou tactiquement mais plutôt mentalement. Vous me demander si la Côte d’Ivoire va gagner la CAN au Maroc en 2025? Oui, tout est possible mais c’est rare de voir un pays au 21è siècle sous nos tropiques de remporter deux fois de suite une CAN. Ce n’est pas évident au Maroc parce que toutes les nations viendront avec une revanche certaine parce que il y en a qui donne l’impression que la Côte d’Ivoire a gagné la CAN par chance à Abidjan. Moi je pense qu’on ne se lève pas un matin pour remporter une Coupe d’Afrique, il y a certes le facteur chance mais pour la gagner, il faut être moralement prêt. Pour la gagner, il faut partir de quelque part et, la Côte d’Ivoire part toujours de quelque part pour la gagner. Ce n’est jamais simple. On a quelque chose à accomplir après le sacre de 2023 oui, on sera vraiment prêt pour la CAN 2025 parce que l’attente est grande et, les rivalités sont énormes. On verra bien la composante de la poule au premier tour, après on saura comment aborder les matches.
Tatou-Sports.net : que dites-vous de la nouvelle règle de l’International Football Association Board (IFAB) visant à éviter les gains de temps de la part des gardiens de but ? Cette règle dit que l’arbitre donnera désormais un corner à l’équipe adverse si le gardien conserve le ballon en main plus de 8 secondes.
Alain Gouaméné : C’est toujours la même chose avec les gardiens de but. Depuis plusieurs années, les règles contre les gardiens de but m’exaspèrent car il n’y a plus de liberté pour eux dans le jeu. Tout cela parce que les gens veulent voir beaucoup de buts marqués dans un match. On a toujours l’impression que le temps perdu dans le football ce n’est que la faute aux gardiens de but. C’est dommage ! En même temps cela signifie que l’importance de ce poste est énorme. Je pense qu’il ne faut pas titiller parce que à un certain moment il faut laisser le football se faire comme on l’a toujours connu et vécu. Il ont changé beaucoup de règles au niveau de ce poste par exemple, le gardien de but ne peut plus donner à la main le ballon à son coéquipier et reprendre avec la main. On peut comprendre. Après, quand le gardien, avec la main met le ballon au sol, il ne peut plus le reprendre avec la main. Moi je pense une chose, pourquoi on ne décide pas de mettre un joueur de champ dans les perches à la place du gardien de but? Comme cela, quand on inscrira beaucoup de buts tout le monde sera content. Je pense qu’il ne faut pas dénaturer le football. C’est un sport extraordinaire dont le gardien de but est différemment habillé des autres. Il est le patron, le régulateur du jeu. C’est lui qui décide si on doit ou pas vite jouer. C’est lui qui imprime le tempo. Sur le terrain, c’est seul le gardien de but qui s’occupe des partenaires, des adversaires et du ballon. Aujourd’hui, vous voulez compter le temps parce que le gardien de but a un ballon en main? Laissez les gardiens se développer. La règle de 8 secondes n’a pas sa place au football surtout dans celui du haut niveau. C’est juste une règle pour museler le gardien de but. Et ce n’est pas une bonne règle. Demandez aux joueurs de champs de faire trois passes consécutives pour marquer un but au cas contraire, le but ne sera pas validé.
Tatou-Sports.net : Que pensez-vous des gardiens de but du 21è siècle ? Des conseils ?
Alain Gouaméné : Pour moi, un gardien de but du 21è siècle, c’est le gardien libero. Ça, on ne peut le nier. Quand tu vois le jeune gardien de but camerounais Onana, il joue bien. C’est un excellent gardien. Ce qui est sûr, nous les gardiens, sommes dans les perches pour arrêter le ballon, empêcher la balle de rentrer dans les filets. C’est un complément de savoir jouer avec le pied mais la première mission c’est d’arrêter le ballon avec les mains. Ils ont tout de nos jours pour performer, ce n’est pas comme à notre époque.
Tatou-Sports.net : avez-vous des fils ou des filles qui jouent au football ?
Alain Gouaméné : non, j’ai un seul fils qui a joué un peu au rugby, mes deux filles jouent au Basket-ball. Les trois enfants s’adonnent beaucoup plus à leurs études.
Tatou-Sports.net : votre mot de la fin ?
Alain Gouaméné : pour mon mot de la fin, je profite de vos colonnes pour lancer un appel à tous les entraîneurs de tous les pays africains de se former au maximum. La formation est importante pour nos cadres. Comme cela, on aura des sélectionneurs locaux à la tête de nos différentes équipes nationales. La formation est universelle mais nous avons notre propre environnement pour cela il faut qu’on se forme car ce sont les connaissances qui nous emmèneront à la compétence. C’est tellement important.
Ensemble, allons vers la formation des cadres et demain nous aurons de grands techniciens à la DTN ou encore comme adjoint ou bien sélectionneur national. Nous ferons mieux que certains dans le milieu. La première des choses c’est l’instruction. Formons-nous. Merci à Tatou-Sports pour votre professionnalisme et surtout pour la qualité de votre travail quotidien.
Interview réalisée par Sékou Saïd Diarrassouba