
Au rebond, football malien : Balle à̀ terre, sonnette d’alarme
24 février 2025
Ces quelques jours, les observateurs du football national ont dû se faire peur d’une nouvelle crise.
C’est à travers les échanges épistolaires entre le Comité́ Exécutif de la Fédération Malienne de Football (Fémafoot) et la Direction Nationale des Sports et de l’Education Physique (DNSEP), organe technique du
département des sports en matière de mise en œuvre de la politique sportive et des relations avec les associations. Des courriers de part et d’autre, largement partagés dans la presse et sur les réseaux sociaux, qui dénotent d’une détérioration des relations entre les deux principaux acteurs de la gestion, de la bonne marche et de la sérénité́ de notre sport roi national.
Ces correspondances tournent autour du fonctionnement ordinaire de la fédération et du rôle de surveillance de la Direction Nationale des Sports et de l’Education Physique sur ce fonctionnement.
Dans une moindre mesure, pour les associations gérant les autres disciplines, cela se fait sans casse mais chaque fois que c’est le football, les relations entre DNSEP et Femafoot vont de bisbilles à échauffourées.
La question est : qui a intérêt aujourd’hui, au Mali, à ce que les deux entités ne s’entendent pas ? Personne, dirions-nous, tant que la conscience et la bonne foi sont de mise.
Pour résumer, la fédération, en tant qu’association, veut organiser une assemblée générale, dans laquelle elle met, comme à̀ l’accoutumée, un ordre du jour qu’elle propose à ses membres (ligues, clubs et associations). En réaction, la DNSEP lui demande » de surseoir à toute modification de textes pour préserver un climat social apaisé dans le milieu footballistique ». Dans sa réponse, la fédération trouve la démarche de la DNSEP incohérente puisque dans un courrier précédent, elle lui demandait d’œuvrer à une tenue régulière des réunions statutaires. Un autre courrier, cette fois de l’inspection du secteur des sports, relevant du ministère, a semblé irriter la fédération qui a tenu à̀ y répondre. Il s’agit d’une lettre l’informant d’une mission d’audit de performance en son sein. Dans sa réponse, la fédération dit ne pas comprendre la logique d’une telle inspection puisque depuis plusieurs années elle ne reçoit aucune subvention du budget de l’Etat, précisant au passage que cette inspection n’a aucune base juridique et contrevient à̀ un principe sacro-saint de la FIFA qui interdit toute interférence ou encore ingérence politique dans la gestion des fédérations.
Reveiller les démons
La surchauffe des relations entre DNSEP et fédération de football par voie épistolaire vient nous rappeler combien nous sommes près de réveiller de vieux démons, sinon des démons pas encore bien endormis qui ont, dans un passé récent, hanté ou habité l’âme de notre sport roi. Nous le disons, pour rappeler à chacun ce que nous appellerons la « décennie sismique », de 2003 à 2013, caractérisée par une longue crise au sein de la fédération, avec des mandats écourtés ou uniques des comités exécutifs, alors qu’au même moment nous avions l’une des sélections africaines à fort potentiel de joueurs de haut niveau et capable
de remporter un trophée majeur. Cette décennie ne nous a vraisemblablement donné́ ni de leçons ni de ressorts pour ouvrir une page de stabilité.
Celle qui vient de s’achever (2013-2023) est une « décennie chaotique » car elle nous a vu vivre des années blanches de championnat, une assemblée générale élective avortée, un comité́ de normalisation de la FIFA qui ne semble pas avoir été́ le remède définitif.
De la détérioration actuelle des relations entre la DNSEP et la Fémafoot, il y a une sonnette d’alarme à tirer pour ne pas nous plonger dans une nouvelle crise, au moment où̀ le public sportif malien n’a jamais été́ aussi confiant en son football, en tout cas en sa sélection nationale seniors malgré quelques fébrilités. La question est de savoir comment deux partenaires condamnés à marcher ensemble pour faire triompher le football malien peuvent se regarder en chien de faïence. Surtout après les éclairs d’espoir du quart de finale électrique perdu contre la Côte d’Ivoire, lors de la dernière CAN qui nous laisse entrevoir une fenêtre d’amélioration.
Surtout en étant engagé dans la course pour une qualification historique au Mondial 2026 avec le nouveau système éliminatoire qui nous laisse des chances malgré́ un départ mitigé. Est-ce à dire que le symposium organisé par le département, avec la
participation de la Fémafoot, de personnes ressources, n’a pas suffi à recoudre le tissu social au sein du football malien après le diagnostic posé ?
La préparation de la prochaine CAN à la fin de cette année, celle des éliminatoires du Mondial qui reprennent dans moins d’un mois, nous autorisent-elles à nous permettre une nouvelle crise, une mésentente entre des entités condamnées à préparer nos sélections, à organiser les compétitions et à créer les conditions de la mobilisation du public sportif ? Les blessures
de la mini crise des cadres de l’EN séniors ne se sont pas encore cicatrisées.
Passe douloureux
Alors, non à l’éternel
recommencement. Il faut jouer balle à terre quand il s’agit des responsables et des instances désignés pour encadrer les jeunes, gouverner le football et amener notre pays à la victoire suprême. Aucune excuse et chaque partie à intérêt à mettre de l’eau dans son « dableni ».
Les épisodes tragiques des relations difficiles entre département et fédération sont encore vifs dans les esprits. Celui de 2005 qui nous a valu les évènements douloureux du 27 mars au stade du 26 Mars, avec mandat écourté du CE et départ du ministre; ceux de 2017, avec élection avortée, normalisation initiée par département ratée et installation d’un CONOR de la FIFA pour deux ans. Les prémisses d’une nouvelle crise du football n’ont jamais été aussi claires que parce que nous voyons présentement.
Nul n’ignore que le Comité exécutif actuel est psychosé par le début assez dramatique de son mandat en août 2023, marqué par l’incarcération de son président élu pour un motif extra sportif. C’est une équation difficile pour laquelle des compromis forts auraient dû être négociés dès le début. Le fer devait être battu à temps. Cette question aurait dû être traitée dans une discussion quadripartite Département des sports-
FIFA/CAF- président de la Fémafoot élu.
Il n’est pas encore trop tard. Il revient au Chef de l’état, au gouvernement, au ministre de tutelle, au Comité National
Olympique et Sportif de prendre ce dossier en main comme un taureau par les cornes. Surtout au moment où les efforts immenses du Président de la Transition dans le développement des infrastructures sportives sont salués par tous les Maliens. Et font envier le Mali par les autres pays.
Que valent ces beaux stades si la sérénité n’est pas de mise au sein et entre les instances chargées de gérer en intelligence le sport et le football, si nos sélections ne bénéficient pas de
l’accalmie nécessaire pour affronter leurs adversaires, si nous n’organisons pas au mieux les tournois majeurs ?
Le football malien n’a pas besoin de nouvelle crise.
Nous avons tous les ressorts pour ne pas tomber dans un piège que nous aurons nous-même fabriqué.
Par nos egos surdimentionnés, par nos petits calculs de salon ou de grin, par nos appétits de l’intérêt individuel au détriment de l’intérêt
général. Le sport dans un Etat, c’est l’intérêt général.
Et c’est la clé du succès pour tous.